Lives Outgrown - Beth Gibbons
Cote d'amour = 95 %
RÉTRO-CHRONIQUE (2024). Il y a de la grandeur, de la démesure presque chez Beth Gibbons, la chanteuse de Portishead qui s’offre ici avec cet album, sa première véritable escapade en solo (l’album Out Of Season en 2004, ayant été réalisé sous la bannière de Rustin Man, alias Paul Webb, ancien bassiste de Talk Talk). Comme si, en prenant des analogies, on pouvait comparer Beth et son chant, ses chansons, à une immense, une gigantesque tempête, une sorte de nuage gris couvrant tout l’horizon, s’apprêtant à tout noyer, tout dévorer. Sauf que la chanteuse britannique le fait avec une délicatesse indicible (« Floating On A Moment », sa grâce et son chœur enfantin). Voilà : écouter un disque de Beth Gibbons s’avère un exercice ultra dangereux. A chaque écoute, on est à deux phalanges de craquer à son chant de sirène et à se laisser sombrer à un spleen formidable. Si plus tôt, je mentionnais un ex Talk Talk (Paul Webb), il faut savoir qu’il y en un autre dans les parages : le très discret batteur de Talk Talk, Lee Harris. Et ce n’est pas un hasard, puisque Beth a hésité au temps de ses débuts entre rejoindre Portishead ou devenir la chanteuse de .O.rang, le projet qu’avait monté Lee (avec Paul en tant que collaborateur) après son départ presque obligé de Talk Talk. Est-ce que d’ailleurs, ce disque solo de Beth Gibbons, ne pourrait pas être « jugé » à l’aune des derniers albums de Talk Talk ? Il y a un peu, beaucoup de ça, dans sa façon de laisser les espaces s’installer, d’installer son chant comme dans des paysages à haute teneur cinématographique (« Lost Changes », « Oceans »). Il a fallu du temps, beaucoup de temps pour que Beth ose s’afficher mais ce disque semble inépuisable avec ces hymnes tranquilles (« For Sale », « Whispering Love ») qui se transforment parfois en berceuses champêtres. A écouter encore et encore, sans trop analyser, en se laissant juste envelopper par la musique et le chant.
Frédérick Rapilly
- Chez ALSO/Domino, disponible en numérique, CD et vinyle (17 mai 2024)