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DISKÖMANIAC (Musicmaniac)

DISKÖMANIAC (Musicmaniac)

Rock, pop, electro, techno, metal, reggae, dub, chansons françaises... Bref, tout ce qui fait du bruit m'intéresse. C'est quand je veux, où je veux... Je publie mes chroniques, billets d'humeur, interviews éventuelles, décryptage, etc. En toute mauvaise foi... Bien sûr ! Frédérick Rapilly journaliste, auteur et romancier (Télé 7 Jours, Magic RPM, Twice, Bretagne Actuelle, Pop Pop Magazine...)


Complot (ex-Complot Bronswick) « Dans Complot, il n’y a pas de règle, il n’y en a jamais eu… »

Publié par FRAP sur 13 Novembre 2024, 15:51pm

Catégories : #2024, #Cold Wave, #Groupe culte, #New Wave, #Interview, #Nouvelle sortie, #Bretagne, #Groupe de rock breton

Vidéo clip

INTERVIEW (Novembre 2024). Le collectif Complot, ex-Complot Bronswick, est aujourd’hui un duo. Ce n’est pas (encore) le plus vieux groupe de rock ou plutôt de new wave – quoique leur musique soit difficile à classer – en France mais la formation, née entre Vannes et Rennes en Bretagne, existe depuis le début des années 80. Quinze ans après Rêve Rouge, leur dernier album studio, François Possémé (chant, guitares) et (synthés, programmation) Boris Guffer publient Dickinson. Un disque aux climats mélancoliques, inspiré des écrits de la poétesse Emily Dickinson. Rencontre avec Boris pour évoquer – bien sûr - Complot, mais aussi Etienne Daho, Niagara, Dominique Dalcan, les Stooges ou encore Marquis de Sade…

 

  

Comment Complot en est venu à enregistrer cet album autour des textes d’Emily Dickinson ?

Boris Guffer : Avec François (Possémé), qui est le chanteur et le guitariste de Complot, cela faisait longtemps que l’on n’avait pas fait de musique (le dernier album studio de Complot, Rêve Rouge, remonte à 2009). Moi, j’en avais envie. François faisait des documentaires, notamment sur la Résistance en Bretagne, un autre sur les malades de l’hôpital psychiatrique de Rennes… Il n’était plus du tout dans la musique. Je l’ai poussé un peu. J’avais des petits bouts de morceaux que j’avais fait tout seul où je prenais des voix d’écrivains pour développer des idées, comme celle de Charles Bukowski ou de Paul Celan. Je suis arrivé avec ces morceaux que j’ai fait écouter à François qui était partant pour un nouveau disque de Complot. Mais il n’arrivait plus à écrire de textes. Dans notre local à Rennes, il y avait ce livre d’Emily Dickinson. Il l’a ouvert et « Pof ! », c’est arrivé comme ça. On avait une quarantaine de morceaux à la fin du processus et ça s’est resserré autour de ceux avec Emily Dickinson, comme une évidence.

Donc, c’est plutôt la musique qui a porté le projet que les textes au départ ?

B. G. : Oui, voilà. Il y avait déjà un disque de Complot précédent sur lequel François avait déjà repris des textes de poétesses comme Louise Labé (De l’Autre Côté, 2012) et déjà d’Emily. C’est parti comme ça.

Mais est-ce que cela correspond au processus habituel de création de Complot ?

B. G. : Ça change à chaque fois. Par exemple, quand nous avions fait l’album Maïakovski (1984), nous étions vraiment partis des textes de Vladimir Maïakovski (poète et dramaturge russe, leader du mouvement futuriste au début du XXème siècle). Quarante ans après, c’est amusant, on reprend un autre écrivain…. J’y ai pensé ce matin. Avant dans Complot, il y avait un chanteur qui a depuis quitté le groupe et… Si tu veux, c’est la rencontre entre nous et Patrick Chevalier (cf. le chanteur) qui jouait dans un autre groupe et qui était vraiment un personnage... Il personnifiait totalement Maïakovski.

Et François, depuis combien de temps est-il dans le groupe ?

B. G. : Depuis le début. Comme moi. Il y avait Yves André aussi à la batterie. Il a arrêté la musique pour l’instant.

Et Complot aujourd’hui, c’est qui ?

B. G. : C’est deux personnes, moi et François. Sur scène, il y a Éric Trochu qui nous rejoint et qui faisait partie d’un groupe rennais, End of Data (avec deux excellents albums à la clé, Sahrah en 1984, et Dans Votre Monde, 1985, sortis sur le label Divine).

Qui donne le « la » dans Complot ? Comment est-ce que vous fonctionnez ? Est-ce que c’est une démocratie, une théocratie, une aristocratie ?

B. G. : C’est de l’amitié au départ. On se retrouve ensemble pour communiquer et partager des choses. Ce disque-là, on a fait quarante morceaux mais on ne savait pas où on allait. C’était l’anarchie la plus totale. On s’est rendu compte petit à petit que ce serait bien de se concentrer sur Emily Dickinson pour avoir une espèce d’unité et une raison d’être derrière ce nouvel album. En plus, cette auteure correspond bien à notre époque post confinement, avec ce qu’elle écrit sur la solitude, etc. C’était un personnage solitaire, très religieux mais aussi très sensuel. Il y a presque une extase amoureuse dans ses textes. C’était ça qui était intéressant aussi. On est parti des textes en anglais qui ont été traduits en français.

Chez Complot, les textes sont indifféremment en anglais ou en français ?

B. G. : Sur ce disque, il y a deux textes en anglais. Les autres sont en français, mais il n’y a aucune règle. Dans Complot, il n’y a jamais de règle (rires). On a essayé de faire dialoguer la musique et la voix sur ce disque, ce qui change de ce que l’on fait habituellement qui est beaucoup plus electro, beaucoup plus tribal. Là, il s’agit de porter le texte et d’emmener l’auditeur sur une ambiance. C’est presque cinématographique.

Pour revenir à vos débuts, comment vous-êtes-vous rencontrés ? C’est quoi la genèse de Complot ?

B. G. : François et moi, nous n’habitions pas loin de l’autre à Vannes (Morbihan, Bretagne), à une rue de différence, dans le quartier de Kercado, à la limite des cités HLM. Nous faisions beaucoup de politique à l’époque, dans le milieu des années 70. On appartenait à un groupe d’extrême-gauche, maoïste. Cela n’a pas duré mais on est resté amis. On ne savait pas jouer de musique mais comme on avait rencontré Yves André qui faisait de la batterie, on s’est mis à jouer ensemble. Enfin… Pas moi. Au début du groupe, je ne faisais que des visuels. L’optique de Complot au départ était vraiment de mélanger les arts. À Vannes, en réalité, nous n’étions pas encore Complot, c’était un petit groupe qui s’appelait Alfred B. On avait vingt ans et quelques. Nous sommes devenus Complot Bronswick en partant à Rennes, et par la suite, Complot.

Il y avait aussi l’idée de continuer à faire de la politique différemment ?

B. G. : Il y avait un petit peu de ça mais il y avait surtout la volonté d’exprimer quelque chose. Je ne faisais pas du tout de musique. J’ai commencé simplement en 1987 quand on s’est retrouvé François et moi, tous les deux à Paris. J’ai acheté un sampler. J’ai commencé comme ça. Avant, plus jeune, j’avais fait des expérimentations en enregistrant des percussions sur des tôles avec un petit magnéto qui saturait vite et un xylophone. Je ne faisais pas de musique mais j’avais quand même un intérêt certain pour elle. Dans mon lycée à Vannes, il y avait Daniel Chenevez, futur fondateur du groupe Niagara. Il venait me voir pour savoir quels disques il fallait acheter (rires).

Pour revenir à l’album Dickinson, comment s’est passé l’enregistrement ?

B. G. : J’ai proposé des musiques, et François me renvoyait des parties de voix avec sa guitare. On se voyait une fois tous les trois mois pendant une semaine, mais entretemps je lui envoyais des sons. Dix, quinze jours plus tard, il me renvoyait les siens. Je me disais alors : « Il faut que je fasse mieux. » Il y avait une espèce d’émulation qui collait bien à l’esprit d’Emily Dickinson, avec ce côté épistolaire que l’on a complétement perdu aujourd’hui. Sauf que… C’était du téléchargement mais il y avait cette attente pour savoir ce que l’autre allait amener au projet. Le disque s’est construit ainsi, step by step. On a fait un concert récemment, en mai dernier, à Saint-Brieuc pour le festival Art Rock à l’invitation d’Etienne Daho, et là, Éric d’End of Data nous a rejoint sur scène. On a fait intervenir aussi Yves Tremorin qui est un artiste photographe. Il nous a imaginé une vidéo qui a été projetée pendant le concert avec des images presque fixes d’arbres, de nature… Emily Dickinson était très intéressé par la nature, faisait des herbiers. On a laissé Yves complètement libre de sa création. On a aussi fait intervenir Richard Dumas à la guitare pendant le concert. Il est photographe. Il était le premier acolyte musical d’Etienne Daho (ils ont enregistré ensemble les toutes premières maquettes du futur chanteur de Satori Pop). Comme Richard adore les Stooges, on lui fait faire une reprise de No Fun en fin de set, disons, très personnalisée. Dans l’esprit ambient de l’album Dickinson.

D’ailleurs, d’où vient votre nom de baptême de départ, Complot Bronswick avant que vous soyez devenus Complot ?

B. G. : On est devenus Complot parce que tout le monde nous appelait comme ça mais Complot Bronswick, ça vient d’un petit film d’animation canadien qui s’appelait L’Affaire Bronswik (de Robert Awad et André Leduc, 1978) sur la 25ème image plus ou moins invisible et subliminale qui influence les gens.

Qu’est-ce qui relie musicalement le Complot Bronswick d’hier au Complot d’aujourd’hui ?

B. G. : C’est plutôt une idée qu’une musique. On a fait des disques autour des images subliminales, de Maïakovski, puis de la photographie et des plaisirs de la chambre noire (Dark Room’s Delight, 1986, avec le producteur Gilles Martin), avec juste ce qu’il fallait d’ambiguïté d’ailleurs. Après, on a enregistré Iconoclasmes, un disque dadaïste inspiré de collages comme ceux de Max Ernst, qui correspond au moment où j’ai acheté un sampler. Le but du jeu était de mélanger des choses qui n’avaient rien à voir, aussi bien des morceaux de Haendel que des sons indus. Cela correspondait au premier manifeste qu’a publié Complot à ses débuts. Ensuite, on a fait A Kind Of Blue, inspiré de l’idée d’absolu par rapport à l’œuvre d’Yves Klein. On a un peu une démarche de metteur en scène. On change de sujet à chaque fois. Ça se construit dans le hasard…

De l’extérieur, on pourrait croire que vous avez une démarche très « intello » mais ce n’est pas vraiment ça, si ?

B. G. : Non. Une fois qu’on a fait les choses, on se dit : « Ah oui, tiens… On a fait ça. » C’est toujours un joyeux bordel au début mais c’est ça qui est intéressant. Comme j’habitais à Paris, et les autres à Rennes pendant longtemps, je disais qu’il y avait une section parisienne et une section rennaise de Complot.

C’est là qu’on voit l’ancien maoïste !

B. G. : Exactement.

Avec Etienne Daho, comment s’est fait la connexion ?

B. G. : On n’a pas vraiment de connexion directe avec Etienne Daho. C’est Frank (Darcel, le co-fondateur de Marquis de Sade, décédé en 2024) qui nous connaissait. Il a proposé à Etienne de nous faire jouer à Art Rock dans le cadre de sa carte blanche. Par rapport à Marquis de Sade, on les connaissait à Rennes mais nous n’avons jamais fait partie du « groupe » où il y avait Frakture, Les Nus, etc. On a toujours été un peu à part. On se respectait mais sans se mélanger.

Vous n’avez jamais collaboré avec Etienne mais vous l’avez beaucoup fait d’autres artistes, non ?

B. G. : Oui, on a travaillé avec des troupes de théâtre…

Et des chanteurs comme Dominique Dalcan aussi…

B. G. : Oui. Sur le disque Iconoclasmes où nous n’avions plus de chanteur puisque Patrick ne voulait plus chanter, François qui était plutôt à la guitare chante sur deux morceaux, mais on a aussi fait venir Richard Dumas, le chanteur de Norma Loy (Chelsea), et Dominique Dalcan dont c’était la première expérience discographique. Il avait un pseudonyme d’ailleurs (Xarrax Becker). On l’avait connu parce qu’il était stagiaire chez Madrigal, notre label de musique à l’époque. Il a connu Marc Hollander, le créateur du label Crammed Disc (Minimal Compact, Tuxedomoon, Bel Canto…) où il a sorti son premier album (Entre l’Etoile et le Carré), un peu par notre intermédiaire, parce que nous avons enregistré en Belgique.

Et vous aviez des connections avec d’autres groupes rennais, comme Marc Seberg, etc. ?

B. G. : Marc Seberg, ils jouaient dans le local à côté du notre à Rennes (rires).

Mais vous ne vous êtes jamais reconnus dans une scène, genre cold wave, avec des groupes comme Trisomie 21 par exemple ?

B. G. : Non. Je pense que l’on a fait des disques tellement différents et que l’on a dû paumer le public (rires). Après Maïakovski, les gens attendaient un deuxième Maïakovski. Ce qu’on leur a donné avec Dark Room’s Delight, ce n’était finalement pas très loin de Black Celebration de Depeche Mode mais ça n’avait plus rien à voir avec Maïakovski. Et puis après, il y a eu le disque Iconoclasmes (1988) qui était aussi complétement différent. On est peut-être le premier groupe à avoir fait un album entier de samples, sauf que ce n’était pas de la house music (rires). D’ailleurs, j’y pense… Un peu comme ce groupe, les Young Gods.

Vous à Rennes, Trisomie 21 à Lille, les Young Gods en Suisse… Il y a aussi Martin Dupont à Marseille. C’est comme si chacun avait prospéré dans son coin, non ?
B. G. :
Oui, mais je ne me suis jamais trop posé la question. On était très proches par exemple d’End of Data dont on produit le premier disque. On a aussi produit un groupe de musique indus de Rennes qui s’appelait Prima Linea. C’était ça notre côté politique : quand il y avait quelque chose qu’on aimait bien on filait un coup de main. A l’époque, c’était plus facile.

Prima Linea, Complot Bronswick, End of Data… J’ai l’impression que dans ces années-là, les milieux dits « rock » à Rennes, ne savaient pas trop quoi faire de vous?

B. G. : Exactement. On était tous un peu à part.

Toi, Boris, tu collabores aussi avec Philippe Ross au sein du duo Zwei ! dont vous préparez le deuxième album. Donc, si je comprends bien, avec Complot il n’y a pas d’exclusivité. Vous avez le droit de coucher ailleurs ?

B. G. : Heureusement que oui (rires). Par exemple, François a produit le groupe Seconde Chambre, et il joue aussi de la guitare dans Zwei !

Quels sont les envies de Complot aujourd’hui ?

B. G. : On aimerait bien remonter sur scène. On aimerait vraiment beaucoup mais il faudrait que l’on parle un peu de nous, et que ce disque ait un peu d’écho.

  

Interview Frédérick Rapilly

 

  • Dickinson (May I Records / Pias)
Boris Guffer, François Possémé du groupe Complot. Photo : Yves Trémorin

Boris Guffer, François Possémé du groupe Complot. Photo : Yves Trémorin

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