CHRONIQUE (2023). Les Américains avaient les Travelling Wilburys, les Britanniques ont eu/ont The Good, The Bad & The Queen, les Bretons et les Rennais ont aussi leur (super) groupe : Trunks. Après plus d’une vingtaine d’années d’existence, celui-ci sort son 3ème véritable album. Du rock foutraque, bringuebalant, dissonant mais diablement excitant.
Pour filer la métaphore, ce nouvel album du collectif rennais Trunks (« Troncs », en anglais, voire « Coffres », celui d’une voiture, en américain) ne devrait pas vous laisser de bois, surtout si vous aimez le rock un peu bringuebalant, pas trop propre sur lui, celui qui vous donne envie de donner de grands coups de tête tout en secouant ces cheveux (si vous en avez encore). Je pense au titre Norbor, 3ème dans l’ordre de succession de ce 2ème album de Trunks. Un truc sans paroles à la limite du chaos, dans lequel viennent s’empiler/dialoguer une batterie bien pilonnée, une guitare bien saturée, et ce que l’on imagine être un saxo bien énervé (celui de Daniel Paboeuf). On se laisse happer par le côté obsédant de cet instru où chaque instrument (et instrumentiste) semble finir comme essoré, épuisé par l’effort. D’où la surprise de l’auditeur, monté bien haut, prêt à se fracasser le crâne sur un mur quand, à ce Norbor infernal, succède l’étrange et obsédante comptine Blood on Poppies. La voix de Laetitia Shériff sert de guide – sucrée/amère - à ce morceau qui semble ne jamais cesser de monter en puissance, avant d’atteindre un paroxysme et de s’éteindre petit à petit. C’est un peu là tout l’art du collectif/(super)groupe Trunks formé en 1998 par une Rennaise d’adoption, la chanteuse/guitariste/bassiste Laetitia Shériff, le batteur Régis Boulard (Chien Vert, NO§RD, Sons of The Desert), les guitaristes Régis Gautier (Møller Plesset) et Stéphane Fromentin (Ruby Red Gun, Chien Vert), rejoint en 2007 par le saxophoniste Daniel Paboeuf (Marquis de Sade, Tohu Bohu, DPU) pour le disque Use Less. Depuis, Régis, pris par d’autres activités, a quitté le (super)groupe, tandis que le guitariste/chanteur Florian Marzano (Gainsaid, We Only Said) a rejoint la formation, laquelle avait enregistré la face A d’un disque et quelques sessions sans aller beaucoup plus loin. Réunis de nouveau suite à un texto envoyé par Laetitia en 2021, Trunks « accouche » de ce disque un peu foutraque, assez cyclothymique, mais plutôt excitant qui donne envie de les voir en concert (ça tombe bien, quelques-uns sont prévus fin 2023 et début 2024). En les écoutant, et juste pour plaquer quelques références, c’est comme si l’on entendait la collision improbable et réussie entre l’indie-pop shoegaze des Sundays (la 2ème partie du titre Edgeways par exemple), le rock dissonant des Pixies, et le blues lancinant de groupes comme Gallon Drunk et Codeine. De quoi rester un peu perplexe sur le papier mais à l’écoute, ça fonctionne étonnamment bien. A condition d’avoir les oreilles bien débouchées.
Frédérick Rapilly
Cote d'amour = 65 %
Trunks « We Dust » (Il Monstro)