APRES CONCERT. La première fois que j'ai vu The Young Gods, c'était il y a plusieurs éternités... En 1987, aux Transmusicales de Rennes (Bretagne). Le trio suisse n'était actif que depuis deux ans (il s'est formé/coagulé autour de Franz Treichler, le chanteur et guitariste, en 1985) et venait juste de sortir son premier album, celui avec Nous de la Lune, Elle fait la mouette, Jimmy... Dans la salle, il y avait pas mal de journalistes anglais, britanniques, snobs, un peu désagréables qui avaient fait le déplacement pour le NME, le Melody Maker et les rubriques musicales des quotidiens Outre-Manche, à l'affût du groupe ou de l'artiste qui pourrait faire sensation. Je m'en souviens parce que les scribouillards branchés affichaient des dégaines improbables, mélanges de tenues de motards et d'extra-terrestres, et que le groupe le plus attendu de la soirée se nommait Gay Bikers on Acid. Et puis les Young Gods sont arrivés... Et là, la Terre a explosé, l'univers s'est fracassé, les géants du Jurassique ont ressuscités, et j'ai vu ces journalistes blasés au-delà du possible, qui avaient tout vu, tout entendu, se décrocher la mâchoire. Etonnés ? Non, stupéfaits. L'un d'eux hurlait aux autres : "It's like there's a T-Rex on stage and it's going to go looking for us, hunt us and feed... It's just so fucking scary !" Traduction approximative : C’est comme s’il y avait un T-Rex sur scène et qu’il allait partir à notre recherche, nous chasser et nous boulotter !» Et sur scène, Franz, entouré d'un batteur et de Cesare Pizzi aux samplers et keyboards, scotchait l'assemblée avec son chant venu d'ailleurs. Comme un cri primal, répété encore et encore... Comment trois petits bonhommes pouvaient ainsi occuper l'espace et les ondes ? The Young Gods étaient aussi menaçants que séduisants.
Trente deux ans plus tard, je les retrouve à La Maroquinerie à Paris. Le batteur a changé, il se nomme Bernard Trotin et fait partie du groupe depuis 1997. Cesare est parti, puis revenu. Et Franz est toujours là. Sur scène, la colère ou plutôt la rage qui l'animait a disparu, mais la tension est toujours là. Il suffit que le trio se lance dans Tear up the red sky, hymne menaçant tiré du dernier album (Data Mirage Tangram), et The Young Gods devient une sorte de tank monté sur des chenilles de caoutchouc, échappé de Mad Max. Fonçant à toute allure, et faisant dissoner les guitares, puis ralentissant, en adoptant le tempo souple de rythmiques electro. Avant d'exploser à nouveau. Le temps a passé mais l'énergie des jeunes dieux helvétiques est resté la même, juste canalisée et alimentée par de multiples sources, des sons plus organiques (sur You gave me a name par exemple) qui font que l'écoute du groupe, sur disque ou sur scène, procure toujours son lot de sensations. Toujours aussi "Fuckin' scary !"
Frédérick Rapilly, mars 2019
Cote d'amour = 99 %
Rock Indus. Data Mirage Tangram, Two Gentlemen/Differ-Ant), 14,99 E.